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FOCUS FILMS FEMMES

INITIATIVE PERSONNELLE POUR METTRE EN AVANT LES REALISATRICES ET LEURS FILMS

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A retrouver sur mon média féministe SORORAL sur Instagram où j'en fais des chroniques plus longues avec une analyse du film et de son contexte plus complète.

 

On y trouve aussi plein d'autres rubriques pour se déconstruire ensemble et découvrir des femmes inspirantes dont le travail donne envie de faire à notre tour ! 

FR :

Projet né de l’annulation du Festival Films de Femmes de Créteil et de la situation de confinement. 

 

Femme cinéphile et cinéaste en devenir, la place des femmes derrière la caméra ou plutôt leur manque de place m’interpelle. Mais c’est à la suite d' une certaine cérémonie des césars que je me suis sérieusement penchée sur la question. J’ai commencé à faire une liste des films qui me tenaient à coeur faits par des femmes et puis des réalisatrices tout court et le résultat était plus que prévisible :  il y en a carrément moins et non par faute de talent. Evidemment, et ça va de pair, ils sont aussi plus périlleux à dénicher.

 

J’aimerais mettre en avant les réalisatrices et leurs films. Pour cela, je les visionne, choisis un plan, le peint et le commente puis le poste sur les réseaux sociaux. Mon but est d’arriver à 52 films et de créer un calendrier qui inciterait à découvrir un film de femme par semaine. 

EN :

This project started with the cancellation of festival "Films de Femmes" due to the pandemic and the situation of confinement.

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Being very fond of cinema and wanting to make films someday, the women's place behind the camera or actually the lack of it concerns me. Following this year Cesars ceremony and polemic around it, I started seriously thinking about this subjects. I started to make a list of movies I hold dear made by women and then just women directors all together. The result was predictable, the number is scarce and not by lack of talent. They are also, of course harder to get a hand on.

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So I decided to help put women directors and their films under the spotlight. To do so I watch them and pick a specific shot which I then paint and post on social media with my feelings and reflexions it. My goal is to reach the number 52 and then create a calendar that would encourage people to discover a women's film each week.

6 RIVER OF GRASS
15 WANDA
16 FEMME DE MON FRERE
13 SIMONE BARBES
14 EFFET AQUATIQUE
12 RAFIKI
10 JEUNE FILLE FEU
9 SUZAKU
11 HIRONDELLES KABOUL
7 GULISTAN
8 L'UNE CHANTE L'AUTRE PAS
2 LES RENDEZ VOUS D'ANNA
1 FILMS DE FEMMES
4 LE CHAMEAU QUI PLEURE
3 HOLY SMOKE
5 ATLANTIQUE
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LES RENDEZ VOUS D’ANNA

de Chantal Akerman

Je rencontre les films de Chantal Akerman juste après sa mort en 2015 et dans chacun, un plan au moins élargit mon champ des possibles au cinéma. Jamais avec quelque chose d’époustouflant mais plutôt comme une évidence qui résonne toujours juste.

Voir ses films, c’est se réapproprier son temps. C’est rester sur les portes d’immeuble qui se ferment après que les personnages aient quitté le champ, des étreintes violentes de corps qui durent, regarder quelqu’un qui s’en va, vraiment.

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Le premier film que j’ai vu d'elle c’est « Les rendez-vous d’Anna ». Il m’a marqué sûrement pour cela : parce que c’est le point d’entrée vers les autres. Dans le film on est avec Anna, une cinéaste qui voyage en train pour faire la promotion de son film. On ne la verra jamais dans une scène qui la raccroche au milieu du cinéma, ou qui la raccroche à quoi que ce soit d’ailleurs. Justement Anne erre, sans attaches, entre l’Allemagne, la Belgique, la France dans les gares, les hôtels, lieux de transit. 

Elle semble toujours un peu absente ou ailleurs pour les autres qui veulent la toucher, l’atteindre. Il y a comme un espace vide, d’incompréhension entre les autres et Anna. A son contact, les personnages changent. Son silence, son apparente distance les envoient dans des monologues introspectifs. Elle, elle écoute. Parfois sa voix douce prononce des mots qui ne sont souvent pas ceux que les autres voudraient entendre. Est-ce une maladresse, une insensibilité ou un détachement ?

 

Il y a ce dernier moment, Anne enfin seule, silencieuse, sur son lit dans sa vraie chambre, écoutant sur le répondeur les messages des jours passés ailleurs, jusqu’au noir. L’émotion qui naît est comme un secret, entre Akerman et celui qui sait recevoir. Son cinéma est singulier, chose rare, et il me manque.

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HOLY SMOKE

de Jane Campion

Lorsqu’on demande au hasard de citer des noms de femmes réalisatrices, la plupart du temps, quand les gens y parviennent, revient souvent le nom de Jane Campion, réalisatrice néo zélandaise connue notamment pour son film sublime « La leçon de Piano » et pour lequel elle est la première, et à ce jour la seule, femme à avoir remporté une Palme d’or. 

 

Je voulais donc sortir des sentiers battus en parlant d’un de ses films moins connus : Holy Smoke qui fait défiler sous nos yeux un trip en Inde, une voiture qui fait des aller retours dans le desert australien, Alanis Morissette, un plan allumette, une famille loufoque et délicieusement détestable, une robe rouge, des livres-chaussures mais surtout un huit clos touchant, plein de paradoxes et retournements entre Kate Winslet et Harvey Keitel. Lui, sorte de spécialiste de la déprogrammation spirituelle non chrétienne, elle, sa patiente -otage- forcée par sa famille. Un jeu de contrôle, manipulation, désir et repentance échouée se met en place, impossible de choisir un camp et c’est pour le mieux.

C’est justement ce double regard de Campion sur ses personnages qui fait tout l’or du film, à la foi dur presque caricatural mais aussi plein de tendresse et de nuance. On reste sur l’image de ses deux êtres plein de poussière du désert et d’égratignures qui s’étreignent à l’arrière du pick up qui défile, entre pathétique et merveilleux. 

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PORTRAIT DE LA JEUNE FILLE EN FEU

de Celine Sciamma

Parfois dans l’obscurité d’une salle de projection on vit quelque chose de rare : On se trouve face à un film qui fait avancer le cinema. 

On dit « toutes les histoires ont déjà étés racontées, ce qui change c’est la manière de le faire ». Et la réalisation ici nous offre du jamais vu. Une histoire d’amour entre deux femmes loin de tous les clichés et rapports de domination si souvent présents au cinéma comme dans la société dont il est souvent le reflet. Leur relation est dans l’ordre des choses, indiscutable. On est simplement avec deux personnes qui se regardent, se désirent et s’offrent une bulle où s’aimer. L’érotisme est brulant et jamais gratuit. Il se révèle dans des détails et des gestes nouveaux. Il nous prend au corps et fait frémir comme la beauté des plages de Bretagne où le film est tourné. 

 

La mise en scène est inventive et d’une justesse qui résonne en nous parce qu’elle donne à voir des rapports nouveaux dont on ne savait pas encore à quel point on avait besoin. C’est sublime. Je garde en tête une des scènes les plus bouleversante d’avortement au cinema, vécue puis rejouée et peinte. 

Les actrices crèvent l’écran, en fait ce film dans toute son essence crève l’écran et c’est celui que je retiens de l’année 2019. Il faut le voir. 

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L’HISTOIRE DU CHAMEAU QUI PLEURE

de Byambasuren Davaa

Après une réalisatrice belge, une française et une néo zélandaise, place maintenant à une cinéaste documentariste mongole qui est allé filmé des nomades dans le desert de Gobi.

 

Je découvre ce film en cherchant des références pour mon court métrage étudiant d’animation qui se passe en Mongolie. Je tombe sous le charme, on croirait voir un conte ancien et intemporel tellement tout ce qui se passe sous nos yeux est empreint de symbolisme. Pourtant on est bien dans le quotidien, le réel, la vie simple de tout les jours, peut être pas banale mais certainement pas extraordinaire.  

 

L’histoire tourne autour d’une chamelle qui rejette son petit, refuse de le nourrir. Toute la famille s'affaire pour les rapprocher. Echecs après échecs reste l'enfant chameau qui pleure dans la steppe. Et puis l'ultime recours : un joueur de violon qu’il faut aller chercher à plusieurs jours de route et de rites musicaux anciens pour rapprocher la mère de son enfant. 

Le chant d’une jeune femme mêlé au viele mongole flotte dans la tête bien après la fin du film.

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ATLANTIQUE

de Mati Diop

Premier long métrage de la réalisatrice franco sénégalaise et Grand Prix du festival de Cannes 2019

 

On est à Dakar, sous son soleil écrasant, face à l’océan qui nous échappe. Ada doit épouser Omar mais elle aime Souleiman qui est parti en mer avec d'autres pour émigrer et a disparu sans lui annoncer son départ. Et puis le film part et nous envoute. Ici on est avec celles qui restent, qui attendent en regardant la mer qui creuse le vide. 

 

Après une tempête, l’atmosphere change. Des gens sont pris de fièvre, d’autres errent la nuit les pupilles vides. Des âmes égarées racontent leur histoire. Ca devient mystique et c’est d’autant plus beau que les personnages accueillent cette tournure presque comme une évidence. La tragédie consume la ville, les gens et se propage. Elle donne la force de s'émanciper et de choisir sa vie comme ces jeunes hommes ont tentés. 

On garde en tête une nuit magnifique, vue à travers un miroir, entre une jeune fille et un fantôme. 

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RIVER OF GRASS

de Kelly Reichardt

Un film parfait pour un après midi morose alors qu’il fait grand soleil dehors mais que la dernière chose souhaitée est de sortir à sa rencontre. 

 

La voix de Cosy en off, femme au foyer dans les Everglades, berce et rassure. Ses réflexions sans but sont familières : « Once I calculated how many hours old I was and then estimated how many more hours there were to go…» Ca rappelle un peu tout ces moments à fixer un plafond de chambre ou une pelouse pendant des étés trop longs. 

 

Kelly Reichardt décrit son premier film comme “un road movie sans route, une histoire d'amour sans amour, une aventure criminelle sans crime”. Et c’est vrai que c'est la sensation que ça nous fait : Une sorte de Thelma et Louise sans le côté épique, plus à notre portée aussi du coup. On se prend d’affection pour ces personnages ratés essayant d’échapper à l’ennui et la solitude. Le montage remarquable est à leur image : insolent et poétique. 

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MOE NO SUZAKU

de Naomi Kawase 

Premier film de fiction de la réalisatrice japonaise Naomi Kawase. On suit la vie d’une famille modeste dans un petit village de montagne excentré et rural, voué à se vider peu à peu.

On se délecte des échanges et rapports subtils entre les membres de la famille, toujours plein de pudeur et de petites attentions. 

 

Un film sur le temps qui passe rendu palpable, les lieux qu'on délaisse,  les gestes quotidiens qui se répètent et puis la nature qui englobe tout, presque vivante. La forêt immense on l’observe depuis le toit, on s’y promène, on y pleure sous la pluie, on la traverse en scooter, on s’y perd, aussi.

 

Comment ne pas être bouleversé devant les portraits des derniers habitants du village filmés par la caméra super8 du père comme un témoignage voué à l'oubli. Au son d’une musique rattachée aux souvenirs qui contient tous les jours heureux, on sent l’inévitabilité des liens qui se désagrègent, des choses qui se terminent. Tristesse et nostalgie infinie et une enfant sur un toit rouge entouré de vert.

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SIMONE BARBES OU LA VERTU

de Marie-Claude Treilhou 

Deux ouvreuses dans un cinema porno discutent et font passer les heures. Au début je ne savais pas bien dire qui était Simone, car la scène les met sur un même plan d’égalité. On est avec elles en contrepoint des clients du cinema.  Presque indifférentes à ce qui les entoure, avec un humour décalé face aux circonstances burlesques que crée l’horaire et ce travail peu anodin.

 

Et puis finalement c’est la plus désabusé des deux, boudeuse et tendre, en pantalon de cuir noir, qu’on va suivre. Elle poursuit la nuit dans un café lesbien. Seule au bar au milieu de personnages parfois excentriques mais rendu banal. Elle attend celle qu’elle aime, qui tarde, alors elle s’en va, toujours seule. 

 

Elle accepte l’invitation d’un homme, seul lui aussi. Simone prend le volant et conduit vers chez elle. Elle pourrait prendre un dernier verre mais pour le reste elle est trop fatiguée. Lui n’insiste pas. On sent sa tristesse, sa solitude, sa douceur et celle de Simone envers lui. Elle cherche un signe pour ne pas l’abandonner à lui même trop vite. Au bout de cette longue nuit où l’on nous a posé en observateur qui suit, presque aussi blasé que les personnages, soudain on est ému. Une raideur lache devant le pathétique mis à nu. 

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GULÎSTAN, TERRE DE ROSES

de Zaynê Akyol

Le documentaire vient souvent comme une urgence de dire. Ca commence par une rencontre, un lieu, une histoire qu’on voudrait raconter. On part avec une idée en tête et puis la réalité nous rattrape et le récit sort de la matière filmée. Il se révèle parfois lors du tournage et guide nos gestes et déplacements. Parfois cela arrive après, dans la solitude du montage, alors, il se fait plus clair. 

 

Zaynê Akyol est une réalisatrice québécoise d’origine kurde, née en Turquie. Elle veut raconter l’histoire de Gulîstan, la baby sitter kurde qui a marquée son enfance en faisant le choix à 18 ans de quitter Montréal pour partir combattre au sein du PKK. 

Quand Zayne part en Iraq la première fois, pas de trace de Gulistan mais elle trouve quelques femmes qui se souviennent d’elle. Alors son idée change : peut être qu’elle pourra raconter cette histoire à travers le souvenir de ces femmes. 

 

Quand elle revient 4 ans plus tard avec le financement pour son film, les femmes ont disparues, mortes au combat ou en plein conflit. L’histoire change à nouveau, s’adapte. Zayne va suivre plusieurs guerrières kurdes dans leur quotidien de lutte contre Daech. Entre l’entraînement dans les montagnes et l’attente de l’assaut dans les étendues désertiques. Le vie de chacune des combattantes est un morceau de celle de Gulistan. Le film met en lumière ces destins de femmes et leur cause de manière fidèle, loin de la caricature dont on a l’habitude. Il est bouleversant et nécessaire.

Dans ce plan choisi, on voit Rojen et son foulard de guerrière qui nettoie son arme. Elle l’a appelée Bulbul parce qu’elle piaille comme un oiseau. 

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LES HIRONDELLES DE KABOUL

de Zabou Breitman et Eléa Gobbé-Mévellec

Des films d’animation réalisés par des femmes c’est plutôt chose rare même si l’on peut entrevoir une tournure plus prometteuse. Les deux réalisatrices adaptent ici l’histoire du roman éponyme de Yasmina Khadra, écrivain ayant prit un pseudonyme de femme. Là aussi, chose rare.

On suit deux couples, deux générations et comment leurs destins vont se croiser dans une ville qui a changé de visage depuis la prise de contôle des talibans. 

 

Le style graphique créé par Eléa est vraiment remarquable car il parvient à capturer la beauté aride et fragile des villes du désert. La puissance de la lumière est magnifiquement rendue par ces blancs forts qui écrasent tout et créent des contrastes qui structurent les plans.

La nuit tout se fait plus doux et le rose du ciel peut apaiser ou menacer selon sa saturation. L’aquarelle rend compte des ruines avec justesse, comme une ville, des murs, des détails qu’on efface peu à peu. Zunaira, la femme du plus jeune couple qui veut croire à un avenir meilleur tente d’ailleurs de se réapproprier ces murs en y gravant ses dessins qui racontent l’histoire de son amour. 

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RAFIKI

de Wanuri Kahiu

Deux jeunes femmes qui s’aiment à Nairobi. Le film fait forcément polémique. Au Kenya sa projection est interdite. La censure est cependant levée une semaine pour permettre au film de concourir aux Oscars. C’est aussi le premier film kenyan à être sélectionné à Cannes. 

 

La contexte social hostile à cette relation se ressent dans le film mais tout ne tourne pas autour de cet aspect tragique. On est surtout dans la joie des débuts d’une rencontre, l’insouciance, la découverte de l'autre. Avec des couleurs vibrantes qui parlent aussi de gaité et de désir. L’une,  d’une beauté austère et brute, l’autre excentrique et rayonnante, on ressent bien dans le mélange des corps ce que chacune recherche et estime chez l’autre. 

 

Evidemment la réalité du monde dans lequel elles s’ancrent les rattrape et balaye l’espace qu’elles s’étaient créé. Cependant la réalisatrice offre une fin heureuse et pleine d’espoir. Ce qui est nécessaire de montrer aujourd’hui : une ouverture sur du mieux et du possible, sur un jour où ce film sortira de l’exil des salles de cinema au Kenya.

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L’UNE CHANTE, L’AUTRE PAS

d’ Agnes Varda

Comment présenter Agnes Varda, décrire son cinéma ou choisir un de ses films ? 

Si il est parfois difficile d’avoir en tête plusieurs noms de réalisatrices, surement celui de Varda nous viens toujours assez vite. Une des rares femmes cinéaste connue et reconnue. Pour moi ses images débordent de tendresse, son cinema est délicat, brut et juste, un peu comme l’image que je me fais d’elle. Ecouter sa voix suffit à comprendre. 

 

Je regarde « L’une chante, l’autre pas ». A la vue de l’affiche je me demande si ça va être ringard ou kitch, en fait c’est profondément actuel et nuancé. C’est aussi très bien mené : entre présent, souvenir, ellipse on suit deux femmes très différentes, que la vie a liée l’une à l’autre. Ca fait du bien de regarder une profonde amitié entre femmes au cinéma. Sur une période de quinze ans, en plein bouleversement de la lutte féministe, on les voit s’entraider, se perdre de vue, se retrouver, s’écrire, se croiser. 

Varda finit son film sur l’image de la génération à venir (enfant jouée par sa propre fille) et interroge ou encourage ainsi ce que sera la suite.

 

Liées par la pensée ou l’écriture, Pomme et Suzanne partagent rarement des plans alors je les aies réunies en peinture en en mélangeant deux. Chacune pense à l’autre de loin à un moment du film ou leur vécu s’inverse entre première sensation de liberté et prémisse d’un emprisonnement. 

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L’EFFET AQUATIQUE

de SOLVEIG ANSPACH

L’effet aquatique ça embarque direct. C’est décalé drôle, tendre et léger à la fois. C’est le premier film que je vois de Solveig et c’est aussi son dernier puisque la maladie l’a emportée, peu avant sa sortie. Sensation étrange en sortant de la salle de projection. Comme un trésor qu’on découvre après les autres, après l’heure. J’en veux encore, je veux connaitre la femme qui fait ces films. 

 

Alors je me plonge dans des podcasts, je pars à la recherche de son oeuvre (bien trop difficile à trouver alors qu’elle a beaucoup à apporter car elle s’éloigne du connu). C’est une cinéaste hors des codes, ayant trouvé une forme hybride à la rencontre de la fiction et du documentaire et qui aime les gens qu’elle filme. Une mère islandaise, un père américain, une enfance à Montreuil, elle est à l’aise pour filmer partout et sait se sortir de contraintes techniques de manière audacieuse et inventive. (Comme lorsqu’elle a besoin de filmer dans une grue dans Queen of Montreuil) 

 

Dans l’effet aquatique on commence à la piscine d’à côté et on fini dans les sources chaudes d’Islande. On ne se pose pas de questions, on suit le fil. On est la pour passer un bon moment, on sent que c’est ce que la réalisatrice a voulu créer : une bulle paisible, une histoire qui fini bien. Quand une grand mère islandaise délivre un message énigmatique sur la peur, le combat et l’eau il y a comme un flottement qui lie les personnages les acteurs et les spectateurs. Avec ces mots qui apaisent, qui consolent, c’est comme si la réalisatrice se parlait à elle même et aux autres. Le film respire cela : qu’est ce qu’on fait, qu’est ce qu’on laisse quand on sait que c’est la fin ? 

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WANDA

de Barbara Loden 

Là encore, un film intimement lié à son contexte. Seul et unique film de la réalisatrice. Barbara Loden, actrice et femme d’Elia Kazan, incarne le rôle principal de son film comme une évidence tant la ligne est mince entre la personne et le personnage. Réalisé en total indépendance, il remporte le prix International de La Critique au Festival de Venise en 1971 puis disparait. Film fantôme. Dix ans plus tard, Marguerite Duras se bat contre l’oubli en s’adressant à Kazan : «Je veux distribuer le film de votre femme, Wanda. Je ne suis pas un distributeur. Par ce mot, j’entends autre chose, j’entends assurer de toute ma force l’entrée de ce film dans le public français. Je considère qu’il y a un miracle dans Wanda. D’habitude, il y a une distance entre la représentation et le texte, et le sujet et l’action. Ici, cette distance est complètement annulée. Il y a une coïncidence définitive entre Barbara Loden et Wanda.»

 

Wanda c’est cette femme absente, qui erre, en dehors de tout, qui ne fait rien, sur qui le temps et les gens passent. Le film dans lequel Wanda erre est lent et austère, il faut se plonger dedans pour y entrer, se laisser hypnotiser par cette femme sans but, sans convictions, sans estime de soi, il semble. 

En rupture avec tout, au delà du jugement, elle cherche le réconfort immédiat, elle avance, se pose et continue.  Elle a cassé la cellule familial en laissant ses enfants à son mari, elle s’offre à qui veut la prendre, boit à toute heure, dort dans les cinémas. Elle flotte. Son chemin l’amène à suivre un petit braqueur de banque, à frôler l’ambition, l’espoir de quelque chose. Et puis, quand le rêve se brise, cet instant où, peut être, ce qu’elle pourrait être, traverse son esprit. 

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LA FEMME DE MON FRERE

de Monia Chokri

Premier long métrage de Monia Chokri dont on a déjà pu voir les talents d’actrice dans « les Amours Imaginaires » de Xavier Dolan. Cette fois ci Monia écrit, réalise et participe au montage de son film avec pour actrice principale Anne-Elisabeth Bossé qui incarne Sophia, jeune trentenaire surdiplômée et sans emploi qui squatte l’appartement de son frère. Un personnage caustique, bourré de défauts et d’incohérences, profondément attachant avec sa personnalité sans filtre. On s’éprend de ce personnage grâce à l’aura de l’actrice qui peut se permettre d’aller très loin sans perdre notre sympathie. 

 

Dans cette comédie quebéquoise à l’humour tranchant, aux répliques cinglantes et mémorables, on discerne plusieurs films en un. C’est d’abord le portrait d’une jeune femme et de son ennui, ses doutes et sa frustration face au monde qui l’entoure. C’est aussi le portrait d’un frère et d’une soeur, de leur relation fusionnelle qui change quand celui ci se met en couple avec une « femme parfaite » et s’éloigne peu à peu. C’est enfin le portrait d’une famille, là d’ou ils viennent, à la foi divorcés et ensemble, chaotique et lumineuse.

L’image et le cadrage accrochent, on sent l’attention portée à la composition et la couleur donnant parfois aux plans l’allure de case de bande dessinée et qui complètent parfaitement le ton du film pour créer son identité singulière. 

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